Les Démons d'Alexandre Pouchkine (1830)

Le poème d'Alexandre Pouchkine intitulé "Les Démons" écrit en 1830.

 

Les démons                                                             

 

Les nuages fuient en foule,

Sous la lune qui s'enfuit

Les nuages fument et roulent,

Trouble ciel et trouble nuit.

Mon traîneau bondit et plonge,

Les grelots résonnent clair.

Que de leurres, que de songes

Dans la plaine qui se perd!

 

   _ Va toujours, cocher! _ Barine!

Choses vont de mal en pis,

La bourrasque m'enfarine

Mes deux yeux et mes esprits.

Ni lumière, ni demeure,

En aveugles nous errons!

C'est le diable qui nous leurre

Et nous fait tourner en rond.

 

Le vois-tu danser sur place?

Maintenant _ me crache sus!

Le vois-tu donner la chasse

Au cheval qui n'en peut plus?

As-tu pu le méconnaître

Sous la forme d'un poteau?

S'allumer et disparaître

   _ L'as-tu vu _ sur le coteau?

 

Les nuages fuient en foule,

Sous la lune qui s'enfuit

Les nuages fument et roulent,

Trouble ciel et trouble nuit.

Et voilà que tout s'arrête,

Les grelots reposent, morts.

- Qu'est ce? un tronc ou une bête?

- Lui toujours et lui encore!

 

Geint et grince la rafale,

Soufflent et ronflent les chevaux,

Le démon, au loin, détale_

C'est un loup aux yeux-flambeaux!

Et la course recommence,

Les grelots en disent long,

Vois _ dans les lointains immenses

Cette ronde de démons!

 

Des démons et des démones,

Se joignant, se disjoignant,

Papillonnent _ tourbillonnent _

Folles feuilles sous le vent!

Quelle foule! Quelle fuite!

Et pourquoi ces tristes chants?

Un ancêtre qui vous quitte?

Une belle qu'on vous prend?

 

Les nuages fuient en foule,

Sous la lune qui s'enfuit

Les nuages fument et roulent,

Trouble ciel et trouble nuit.

Survolant la blanche plaine

Geignent, hurlent les malins,

De leurs plaintes surhumaines

Déchirant mon coeur humain.

 

7 septembre 1830, traduction M. Tsvétaéva*

 

* Poétesse russe. Née en 1892 à Moscou, morte en 1941 à Elabouga. En 1922, elle émigre à Berlin, puis à Prague. En 1925, elle poursuit son exil en s'installant à Paris. Elle demeurera en France jusqu'en 1939. A cette date, elle décide de partir pour l'U.R.S.S. Grande admiratrice d'Alexandre Pouchkine ( cf.  "Mon Pouchkine", essai teinté de ferveur envers le poète, écrit à la fin de l'année 1936, et constitué d'éclats de mémoire émanant de l'enfance.Traduit du Russe par André Markowicz. 1988, Clémence Hiver éditeur. 2012, Actes Sud ), elle traduit ses poèmes en Français, dont « Les démons », pour le centenaire de la mort du poète, en 1937. Trois villes françaises ont rendu hommage à Marina Tsvetaeva. Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en 2012 (le sculpteur géorgien Zourab Tsereteli, a offert à la ville une statue en bronze, représentant la poétesse). Paris, en 2013 (La bibliothèque Glacière, située dans le 13ème arrondissement, porte son nom). Moret-sur-Loing, en 2015 (une plaque apposée sur la maison du 18 rue de la Tannerie, située près de l'église, commémore son séjour dans la commune lors de l'été 1936).

Ce texte a été mis en ligne sur l'aimable proposition et contribution de D. F.

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