Origines de la ville de Clairmont de Jean Savaron (1602)

Les origines de la ville de Clairmont (1602) traite des innombrables sièges et destructions de la ville, du III° au XVI° siècle.

D’une ancienne famille bourgeoise de robe et de commerce, bien connue en Auvergne dès le XV° siècle, et peut-être d’origine italienne (Savaroni ?), Jean Savaron, haut magistrat à la fin des guerres de religion, fut surtout un grand orateur et un homme politique de premier ordre.

D’abord conseiller et intendant de la reine Marguerite de Valois (dite « la Reine Margot », comtesse d’Auvergne par sa mère Catherine de Medicis, elle-même fille de Madeleine de la Tour d’Auvergne), il fut à ce titre proche des amis de Margot : Michel de Montaigne, Honoré d’Urfé, etc.

Surtout, il conduisit le Tiers-Etat aux Etats Généraux de 1614, où il porta la voix du peuple sur l’état de désolation de la France , après soixante-dix ans de dévastations générales.

Au fond, celles-ci nettement moins dues à des questions de croyance qu’au déchaînement des ambitions féodales, sous prétexte de religion.

Aux Etats de 1614, Savaron décrivit au jeune roi Louis XIII (et surtout à la régente, sa mère Marie de Médicis) les misères du peuple en des termes d’une rare audace : « Que diriez-vous, sire, si vous aviez vu, dans vos pays de Guyenne et d’Auvergne, les hommes paître de l’herbe à la manière des bêtes ? Cette nouveauté et misère inouïe en votre État ne produirait-elle pas en votre âme royale un désir digne de Votre Majesté, pour subvenir à une calamité si grande ? »

Il proposa maintes mesures pour réduire la crise économique, et au moins supprimer la famine. Une d’entre elles frappait de plein fouet le parti nobiliaire : supprimer l'« excès des pensions » attribuées aux courtisans. « Quelle pitié qu’il faille que Votre Majesté fournisse, par chacun an, cinq millions six cent soixante mille livres, à quoi se monte l’état des pensions qui sortent de vos coffres ! Si cette somme était employée au soulagement de vos peuples, n’aurait-il pas de quoi bénir vos royales vertus ? »

La formule créa un incident grave avec la noblesse, lequel ne fut aplani que par l'entremise du clergé et l'habileté du jeune Richelieu, alors député ecclésiastique et évêque de Luçon, dont les talents à cette occasion furent remarqués pour la première fois.

On peut donc dire que c’est le parti très ferme pris par Savaron, et son alliance avec le jeune Richelieu, qui initia la carrière du futur Cardinal, en propulsant celui-ci au Conseil royal.

Peu après les Etats-Généraux où il obtint la victoire, Jean Savaron résuma en un livre l’essentiel de sa doctrine anti-féodale : Traité de la souveraineté du roy et de son royaume (1615).

Au delà de ce moment politique, Jean Savaron doit surtout être considéré comme un des tout premiers précurseurs du jansénisme.

En termes politiques, ce mouvement naquit d’abord en Auvergne dès 1605-1610. Donc bien avant les publications de Cornelius Jansen, dit « Jansenius » (1585-1636) : son Augustinus n’est publié à Louvain qu’en 1640.

Tout d’abord dans le tout petit milieu des hommes de loi qui prirent alors le parti d’une population excédée par les exaction de tout genre, et s’opposèrent à l’arbitraire des féodaux, qu’ils petits despotes nobiliaires ou bien prélats ecclésiastiques.

A l’origine du mouvement : quelques familles de robe à Clermont (cour des Aides : justice fiscale) ou Riom (présidial : justice générale), toutes issues du parti de la Reine Margot, toutes opposées au fanatisme jésuite, et toutes alliées entre elles, le plus souvent aussi par mariage : les Arnaud, les Pascal, les Périer, les Savaron, etc.

C’est Antoine Arnauld dit « l’Ancien » (1560-1619) qui racheta sur ses deniers les ruines de Port-Royal-des-Champs et releva l’abbaye cistercienne.

Six de ses filles s’y firent religieuses, dont la célèbre abbesse Angélique (1591-1661), qui conduisit au couvent la réforme janséniste avec l’abbé de Saint-Cyran (1581-1643).

Quant à son fils le plus célèbre, Antoine Arnauld dit « le Grand » (1612-1694), il tenta autant que possible de défendre la doctrine dans l’espace universitaire, jusqu’à son exclusion de la Sorbonne (1655) et son exil forcé à Sedan, où il finit ses jours.

A l’époque, dans les Ardennes, la principauté de Sedan était toujours tenue par la famille de la Tour d’Auvergne, la même qui avait encouragé le parti janséniste à sa naissance.

Sur ces aspects, voir Jean Racine (1639-1699) : Abrégé de l’histoire de Port-Royal (posthume, édité en 1767).

Puis Charles Sainte-Beuve (1804-1869) : Port-Royal (1840-1859). C’est également Sainte-Beuve qui réédita Les Grands-Jours d’Auvergne d’Esprit Fléchier (1665).

Après l’expulsion d’Arnauld, quand la population d’Auvergne s’apprêtait partout au soulèvement, c’est depuis ce petit milieu intense que Blaise Pascal prit politiquement la tête du parti janséniste.

En écrivant à Clermont, chez son beau-frère Périer, le brûlot des Lettres provinciales (1656-1657), qui exposèrent sur toute l’Europe l’opposition janséniste aux positions morales admises par l’église et la monarchie.

C’est-à-dire, sur le fond, la lutte des lettrés contre l’alliance du Trône et de l’Autel. En ce sens, à ses débuts, la Révolution française n’a fait que ressusciter le mouvement janséniste, passé en clandestinité durant tout le XVIII° siècle.

De fait, la plupart des révolutionnaires français étaient des hommes de loi ou de lettres nourris au lait du jansénisme.

En termes politiques, on doit donc considérer le jansénisme comme l’expansion du mouvement politique initié par Jean Savaron.

Place du Terrail, à Clermont, on peut toujours voir sa maison, de taille modeste, qui porte sur son fronton une inscription latine, étrange au premier abord, mais au fond de sens très clair :

UNA ROSA

aeternum gratos spirabit odores

perpetuoque virens nullis marcescet ab annis

UNA ROSA est l’anagramme de SAVARON.

L’inscription signifie : « Une unique rose insufflera les odeurs de la grâce éternelle : perpétuellement vivace, elle ne sera jamais flétrie par les ans. »

Elle décrit précisément le sens profond de la Rosa mystica, symbole de l’Amor Dei.

En termes chrétiens, celle-ci reprend le sens précis de l’Aïôn, notion morale et métaphysique centrale pour les anciens Grecs, des penseurs orphiques aux stoïciens.

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Maison de Jean Savaron, Place du Terrail à Clermont   Maison de Jean Savaron, Place du Terrail à Clermont

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