Référence exacte du texte posté :
Traité des démons, Summa II, Questions 40-48, trad. Alain Boureau, Les Belles Lettres, Bibliothèque scolastique, 2011 (bilingue).
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Texte de présentation de l'éditeur :
Ce petit traité sur les démons a été rédigé entre 1288 et 1295 par le franciscain Pierre Jean de Olivi (1248-1298). Dans le vaste ensemble des questions de ce penseur, rassemblées en 1293-1295, nos neuf questions sont numérotées à part et placées sous un titre propre.
Olivi offre une perception personnelle du mal et des démons: 1) Il rejette la conception anselmienne de l'inexistence ontologique du mal, très présente chez Thomas d'Aquin. 2) Le mal est l'autre face de la liberté. Olivi prépare ainsi la voie à Duns Scot. 3) La chute des démons entre dans un schéma eschatologique, en laissant une place à l'action future de l'homme et notamment au remplacement de Satan, sur son trône vide, par saint François. 4) Les créatures de raison et de liberté (hommes, anges et démons) sont de statuts proches et mobiles.
Ce texte touffu, sans perfectionnement final, n'est pas de lecture aisée, mais les efforts ne sont pas vains devant une réflexion souvent vertigineuse et le dialogue entre Olivi et Mediavilla est un des grands moments du Moyen Âge.
Sommaire :
Les questions 40 et 41 donnent un cadre théologico-philosophique à la question du mal: Dieu n'a pu créer de catégorie indemne, par nature, du péché. Mais cette fragilité universelle des créatures est mise en regard de la liberté donnée à ces créatures : elle en est le risque et le prix à payer.
Les questions 42 et 43 traitent du moment de la chute. Olivi semble se fonder sur un « seconde création », où Dieu doterait spécialement les créatures rationnelles du don de liberté. Ce don est nettement distingué des attributs naturels. Il suppose une action propre de réception active du sujet.
Les trois questions suivantes portent sur la vie des démons entre leur chute et le Jugement final.
La question 44, qui demande si les démons peuvent apprendre ou oublier, traite en fait presque totalement de la fonction de l'oubli chez l'ensemble des créatures rationnelles et, à ce titre, constitue un hapax de la pensée scolastique, qui ne fut pas repris avant l'époque actuelle.
La brève question 45 fixe pour la perpétuité leur degré de mauvaiseté.
Enfin, la question 46 aborde le thème de l'affectivité des démons (joie, désespoir et crainte). Un des paragraphes présente, sans doute pour la première fois de l'histoire, une évocation de l'état maniaco-dépressif.
Les deux dernières questions suggèrent que des êtres humains pourront se substituer aux anges déchus, hors de la hiérarchie angélique. Les démons ont donc indirectement permis cette promotion humaine.