Voici l'ultime page conclusive du grand Essai sur le don (1924), lequel s'achève par une évocation de la mythique "Table Ronde" du roi Arthur, meuble en bois qui au moyen âge résumait tout l'esprit de chevalerie, soit : de solidarité communautaire.
Cela, contrairement aux versions kitsch, seigneuriales ou néo-féodales de la légende. Celle-ci exprime le mouvement du "Libre-Esprit" : elle oppose un refus net aux notions de hiérarchie (laïque ou religieuse), de territoire ou de propriété.
En effet : en termes physiques, une "table ronde" met toutes les personnes au même niveau. Au contraire d'une table horizontale qui distribue par contiguïté les rôles de compagnons (latin : comites ; français : comtes) à partir de la place du roi ou du chef.
Le meuble circulaire est donc d'abord un dispositif politique, qui soude sur lui deux exigences indissociables : a. l'honneur (dignité personnelle et collective, parole donnée, lien de foi, réciprocité) et b. l'égalité entre pairs, laquelle exclut convoitise et captation personnelle.